mardi 21 février 2012

Etape 24: Chicago (IL) - Niagara Falls (NY)

ETAPE 24:  CHICAGO - NIAGARA FALLS
 


    Alors que j'achève la traversée de l'Indiana, le jour touche à sa fin. Je quitte provisoirement l'interstate, qui sert de  trait d'union entre l'Est et le Midwest, au propre comme au figuré: des dizaines de kilomètres en ligne droite à n'en plus finir, au point qu'on peut conduire sans pieds ni mains ! Je chemine à travers une campagne foisonnante, avec des champs à la pelle, et croise les premiers Amish...

    "Tu ne te conformeras point à ce monde qui t'entoure", telle est la devise de la population Amish, qui compte à elle seule près de 250.000 personnes essentiellement réparties dans les Etats proches des Grands Lacs, et au Canada (Ontario). Les maisons que j'aperçois ne sont pas reliés au service de distribution d'électricité du pays, tandis que les routes principales sont flanquées d'une voie réservée aux calèches tirées par des chevaux de chaque côté, à la manière des pistes cyclables. En dehors de ça, rien d'extravagant de la part d'une communauté qui a fait du repli sur elle-même une de ses marques de fabrique. La vie des familles Amish repose sur quelques principes assez simples leur conférant un mode de vie dénué de tout matérialisme et rejetant le monde moderne et ses effets pervers. Basée sur une interprétation du Nouveau Testament, le peuple Amish ne connaît pas la sécurité sociale, la retraite, ou encore le vote, et toute son organisation s'appuie sur une quasi auto-suffisance, de l'agriculture en passant par l'éducation jusqu'aux moeurs inspirés de la Bible. 

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le caractère marginal des Amish demeure tout relatif. En effet, leur population double tous les vingt ans ! Cette vie, loin de représenter un recul pour certains, attire de plus en plus d'adeptes, déçus par l'évolution de la société, qui n'hésitent pas à intégrer une communauté Amish afin d'adopter un mode de vie "modeste". Mais c'est surtout la natalité explosive qui explique cette croissance fulgurante, les femmes Amish ayant en moyenne huit enfants !

    Il existe une tradition propre à certains groupes Amish permettant aux adolescents (16 à 21 ans) de goûter à la vie hors-communauté: vivre en ville, fumer, boire, regarder la tv...un baptême du feu en quelque sorte. Mais attention, quiconque choisit d'embrasser les préceptes du monde extérieur à la fin de sa "période d'essai" est renié à vie par sa famille et ne pourra plus jamais réintégrer son foyer. Cette coutume fait encore aujourd'hui débat chez les Amish. 


En terre Amish, ce couple s'apprête à rugir dans les starting-blocks ! 3,2,1...



... c'est parti !



Demeure Amish, sans électricité.



En plein coeur de la campagne de l'Ohio.



Un regard jeté dans le rétroviseur, le soleil achève sa course dans un ciel cotoneux.



    Je profite d'une énième errance de l'ami TomTom pour me promener à travers les petits villages Amish, et débarque à la nuit tombée dans un camping de l'Ohio. J'en profite pour planter une dernière fois la tente à la lueur des phares de la voiture, au bord de ce que je devine être un lac, si j'en crois les hordes de moustiques qui m'assaillent de toutes parts. 

Pour rallier Cleveland depuis Chicago, le GPS me recommande de passer sur des petites routes, tellement peu fréquentées qu'elles ne sont même pas goudronnées... La curiosité, alliée indispensable d'un road trip !



Voici le fameux buggy Amish, avec une voie réservée de part et d'autre de la route, s'il vous plaît !



Arrivé de nuit dans un camping complètement désert, je me réveille au petit matin au bord d'un petit étang de l'Ohio.



Les connauds sont partout, même aux USA !


    1er Septembre 2011. La route est encore longue avant Niagara Falls. Je traverse rapidement Cleveland que je n'aurai malheureusement pas le temps de découvrir, et déboule dans l'Etat de New-York, entre les lacs Erié et Ontario. Située dans la banlieue de Buffalo, Niagara Falls version américaine est à des lieues du clinquant et rutilant cirque touristique de son homologue canadien. Puisque le concept de mixité sociale est encore plus inconnu au bataillon aux USA qu'en Europe, je me retrouve une nouvelle fois à traverser un quartier pauvre où s'entassent des centaines d'afro-américains en attendant le jour, qui ne viendra jamais, où l'on s'intéressera à eux. Je me fais confirmer la chose une fois arrivé à l'auberge où la fille qui s'en occupe me tend une carte de la ville sur laquelle elle s'empresse de marquer la moitié des rues d'une énorme croix rouge en me disant: "Là, il ne faut pas y aller...". Comme souvent, la frontière entre la misère des uns et l'opulence des autres est tellement ténue qu'elle tient de l'outrance, ou selon, du pathétique. Comme s'il suffisait d'un large boulevard où la vitesse des véhicules n'a d'égale que la profondeur du fossé séparant ces deux formes de ghettos, puisque c'est bien ce dont il s'agit ici, pour empêcher la déchéance imposée à certains de venir ternir la douce illusion caviardesque de ceux dont les yeux restent fermés, le temps d'une quinte flush arrosée de champagne. Sweet America.

    L'auberge est située à vingt bonnes minutes à pied des chutes, dans la banlieue populaire de Niagara Falls. Je pose mes bagages et me dirige vers le "coeur", à défaut d'une âme, touristique de la ville, en longeant le ghetto. Une fois le plus gros boulevard de la ville traversé, mes yeux sont attirés par un gigantesque hôtel casino, le plus haut bâtiment de la ville, pompeusement mis en valeur au milieu de rues pavées et très bien entretenues, vu ce qu'il m'a été donné de voir jusqu'à présent. Le budget de l'agglomération doit être diablement sectorisé, mais pourquoi donc ? ...

Ville de Niagara, aux Etats-Unis.



L'auberge de jeunesse, une maison parmi tant d'autres à Niagara Falls.



La rue de l'auberge est tranquille, et à 20 minutes à pied des chutes !



    Une fois arrivé au bord de la rivière Niagara, le spectacle est à couper le souffle. Les touristes sont peu nombreux la nuit venue, tandis qu'un grondement terrible parvient à mes oreilles plus je m'approche du précipice. Les chutes du Niagara, pourtant loin d'être les plus hautes au monde, demeurent les plus connues, très certainement grâce à l'essor du tourisme de masse, et à leur relative facilité d'accès. Pour faire simple, il existe trois chutes: l'impressionnant fer à cheval (à voir côté canadien), les chutes américaines, moins grandioses mais tout aussi intéressantes, et enfin l'anecdotique filet d'eau qu'est le voile de la mariée. Dans tous les cas, mieux vaut se trouver au pays de l'érable pour contempler les chutes dans toute leur splendeur. Connaissant la douane américaine, je préfère rester chez l'oncle Sam pour cette fois, dieu sait ce qui pourrait encore arriver au retour. Et puis, je suis déjà venu ici il y a trois ans ! 

Jean-Michel Jarre ne doit pas être bien loin...



Niagara Falls.



L'atmosphère, chargée d'humidité, esquisse un semblant de sourire sur la voute céleste.  




Niagara Falls, bleu nuit.




Le feu de la Terre, sur le point de jaillir sous le ponton.



    J'en profite pour rejoindre la passerelle d'observation qui surplombe la rivière et permet de prendre du recul par rapport au précipice, puis me retrouve avec des étoiles plein les yeux. Les lumières projetées depuis le Canada illuminent la cascade qui se teinte tantôt de bleu, de rose bonbon ou de jaune banane, au point que je me demande si je ne me trouve pas dans une boutique de bonbons pour géants. L'effet barbe à papa du brouillard rose au pied des chutes est en tout cas très réussi ! Je traverse un des bras de la rivière et débarque sur un îlot planté au milieu des flots. En cheminant à travers le parc, j'observe le skyline de Niagara Falls version Canadienne apparaître puis disparaître au gré des silouhettes des arbres qui bordent les chutes. 

    Une figure élancée et illuminée comme jamais vient soudainement zébrer le ciel de son corps de béton et d'acier: la tour SkyLon, depuis laquelle il est possible de contempler non seulement les chutes dans leur ensemble, mais aussi les villes jumelles de Niagara. Leur ressemblance s'arrête au patronyme. Là où les touristes amateurs d'érable peuvent s'en donner à coeur joie dans des boutiques, restaurants, casinos, complexes aquatiques, attractions toutes plus farfelues les unes que les autres, les américains, une fois n'est pas coutume, font dans la relative sobriété. 

    Je ne reviendrai pas sur la ghettoïsation de la moitié de la ville, mais insisterai plutôt sur un côté "on en a vite fait le tour" assez surprenant pour un lieu comme celui-ci. Comptez lâcher quelques dirhams au fast-food du coin, vous payer le luxe d'une croisière-douche au doux nom de "Maid Of The Mist" (la sirène de la brume), vous promener une bonne heure... and that's it. Pas de quoi grimper aux rideaux, mais plutôt une occasion d'aller directement à l'essentiel: les chutes. Et pour ça, ne surtout pas manquer de les voir de jour comme de nuit, tant elles sont méconaissables.


Durant l'été, les projecteurs illuminent les chutes américaines tous les soirs dès 22h00.




La ville de Niagara, côté Canadien, aussi frénétique qu'illusoire.




Niagara Falls, tel un flot de barbe à papa venant se jeter dans un abîme éthéré... féérique.




Où comment un pont reliant le Canada aux Etats-Unis prend soudainement la forme d'une harpe céleste.




Une femme a un jour réussi l'exploit de se jeter du haut des chutes du Niagara, enfermée dans un tonneau, tout en restant en vie.




Fait d'acier, de béton et de verre, la passerelle d'observation est ouverte gratuitement à partir de 21h00.




Ambiance pourprée à Niagara Falls.




Un quai, isolé dans la nuit, sur la rivière.




Une cascade de lait: les chutes du Niagara.



Niagara Falls est une attraction hors normes. La majorité des infrastructures touristiques, et tout l'excès les accompagnant, se trouvent de l'autre côté de la rivière, côté canadien.



Qu'il est bon de porter son regard sur les chutes... malgré le grondement permanent des millions de litres d'eau venant fracasser la roche, il s'en dégage un petit quelque chose de magique.



Un pont entre deux rives.



Un rêve bleu ?




Niagara Falls.



Un groupe d'Indiens en voyage !



Niagara Falls, by night.



Au loin, le précipice des chutes du Niagara.




Niagara Falls.




La tour Skylon, côté Canadien, dans l'Ontario.



En approchant des chutes du "fer à cheval", le brouillard se transforme en douche froide !


 
    Le lendemain matin, réveil à l'auberge avec des pancakes home-made. C'est une véritable maison de banlieue, avec tout ce qu'il faut pour se sentir chez soi, du programme télé sur le canapé, aux jeux de société du salon, jusqu'au petit jardin à l'arrière. On s'y sent vraiment comme à la maison, et c'est assez rare pour être souligné (son nom: WanderFalls Guesthouse Inn).

    Le temps de charger la voiture, me revoilà parti pour les chutes, afin de saisir toute cette brutalité naturelle à la lumière du soleil. Le temps est formidable, le site grouille de monde, et les gens font la queue pour les croisières, affublés d'un joli imperméable qui à défaut d'être esthétique, n'en demeure pas moins salvateur pour rester au sec. J'avoue avoir eu ma dose de moments "bétaillère" durant le BigTrip, et je renonce à poireauter au milieu d'une foule de schtroumpfs entassés sur un bateau pour prendre une photo qui de toute manière sera loupée vu que l'appareil nagera dans un éther brumeux.

    Je m'écarte du flot des touristes pour emprunter un sentier de randonnée qui longe le précipice côté américain, et descend progressivement jusqu'à rejoindre la rivière, quelques dizaines de mètres plus bas. Il n'y a évidemment personne en dehors des sentiers battus. Au début du siècle, ces voies étaient celles empruntées par des tramways qui arpentaient sans relâche les escarpements de la rivière Niagara, draînant par là-même une masse de visiteurs impressionante pour l'époque. Mais par définition, les falaises, ça s'effrite. De nombreux accidents eurent lieu, allant de la simple chute de pierre au tramway dévalant la pente pour s'échouer dans la rivière avec moult cadavres à la clé. Et le touriste, lui, n'aime évidemment pas prendre de risques. Valdinguer dans le vide avec Bobonne pour se retrouver 50 mètres plus bas dans une eau glaciale n'est pas du goût de tout le monde, je le conçois. La compagnie ferma au bout d'une quinzaine d'années d'exploitation, laissant peu à peu la nature reprendre ses droits sur les anciennes voies de circulation.


Salle à manger et salon de l'auberge de jeunesse.



Cuisine de l'auberge de jeunesse.



Rivière Niagara, qui relie deux des cinq grands lacs (Erié et Ontario).



Niagara Falls, au Canada.



Rivière Niagara et début d'un des nombreux sentiers de randonnée.



Les Ponts Jumeaux. Le courant est absolument terrifiant, c'est la noyade assurée pour  quiconque tenterait de passer illégalement la frontière.



C'est pas beau de vouloir copier la tour Eiffel...




Ici, les Etats-Unis, là-bas, le Canada.




Niagara Falls.




La faune de la rivière Niagara.




Niagara Falls.



La fameuse Maid of the Mist, offrant un point de vue unique sur les chutes, et une bonne grosse douche.



Plus l'embarcation se rapproche du pied des chutes, moins la visibilité est bonne.



Oui, oui, on est bien aux Etats-Unis...

 

    Je retourne à la voiture, et m'apprête à prendre la direction de l'Est pour la dernière fois. En avant pour l'ultime et dernière étape de ce BigTrip aux Etats-Unis: New-York, me revoilà !



ON THE ROAD AGAIN  !!!!!



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